Page:Luce - Chronique du Mont Saint-Michel (1343-1468), tome 1.djvu/12

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ché était consommée avant la fin de 1419. Cette seconde campagne où les talents militaires de Henri V avaient triomphé d’efforts parfois héroïques[1], mais toujours isolés[2], s’était prolongée pendant deux ans environ. Tel en fut le résultat que la domination anglaise, après avoir poussé en avant, du nord au midi, du couchant au levant, ses ondes victorieuses, finit par couvrir en quelque sorte la Normandie tout entière; et le roi de France, le débile Charles VI, n’aurait conservé dans cette grande province aucune parcelle de territoire, si ce flot de l’invasion n’était venu se briser, comme la mer montante lorsqu’elle se précipite sur les grèves d’Ardevon et de Beauvoir, contre le rocher du Mont-Saint-Michel.
Ce rocher escarpé dont la célèbre abbaye couronne le sommet était devenu, surtout depuis le milieu du XIVième siècle, une véritable place de guerre. Capitaines de cette place en même temps qu’abbés, les religieux qui s’étaient succédé à la tête du monastère pendant le règne de Charles VI, notamment les deux derniers, Pierre le Roy et Robert Jolivet, avaient rivalisé de zèle pour compléter les fortifications du Mont-Saint-Michel. Protégé ainsi par l’art et par la nature, isolé au milieu de grèves dangereuses que recouvre périodiquement le flux de la mer, entouré depuis des siècles de je ne sais quelle terreur religieuse, adossé au midi à la Bre-

  1. À Caen, à Falaise, à Cherbourg, à Rouen.
  2. « Dum singuli pugnant, universi vincuntur », a dit Tite Live. Voyez l'excellent mémoire de M. Léon Puiseux à qui nous empruntons cette heureuse citation (Mém. lus à la Sorbonne, année 1866, p. 325).