Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/114

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viennent enfin la base des grands êtres, comme la terre, les ondes, le ciel, et les espèces vivantes

On ne voyait pas encore le disque du soleil, au vol sublime et ruisselant de lumière. On ne voyait pas les flambeaux de l’univers immense, ni l’Océan, ni le ciel, ni la terre, ni l’air, ni enfin aucune chose semblable aux choses d’aujourd’hui ; mais un orageux désordre, et un amas confus. Bientôt les parties commencèrent à s’écarter, et les essences de même nature à se joindre : le monde se débrouilla ; (5, 440) il eut ses membres distincts, il rangea séparément de vastes êtres et y mêla tous les atomes chez qui la discorde, soulevant des batailles, troublait encore les intervalles, les directions, les rapports, la pesanteur, les chocs, les alliances, les mouvements, parce que leurs formes inconciliables et leurs traits divers empêchaient tout assemblage durable, tout mouvement harmonieux. Ainsi les hauteurs du ciel jaillirent loin du sol ; ainsi le fluide des mers isola son immensité, et l’isolement purifia aussi les feux de l’éther.

(5, 450) Car, dans l’origine, les atomes de terre, essence lourde et embarrassée, s’amoncelèrent au centre, ou envahirent les parties basses. Plus leur enlacement fut vif et compacte, plus il exprima de ces germes dont se forment la mer, les astres, le ciel, la lune, le soleil, et la vaste ceinture du monde : toutes choses qui ont une semence beaucoup plus lisse, plus ronde, plus fine que la terre. Aussi la terre poreuse et maigre laissa-t-elle jaillir d’abord atome par atome, et monter aux cimes, l’air, (5, 460) essence de feu, qui emporta mille feux encore d’une aile rapide. Souvent, lorsque les herbes joignent aux perles de la rosée la pourpre du soleil et l’or de sa lumière matinale ; que les lacs et les fleuves intarissables exhalent un léger brouillard ; que la terre paraît elle-même fumante, nous voyons toutes ces vapeurs, amassées dans les hauteurs du ciel, y étendre leur épais rideau. De même ce léger fluide de l’air, une fois épaissi, devint une barrière qui emprisonna les êtres, (5, 470) et, répandu au loin sur toute la face du monde, l’enveloppa toute de ses vastes embrassements.

Ensuite vint la naissance du soleil, de la lune, des astres dont les globes roulent au milieu de l’air, entre les deux extrêmes, et que ni la terre ni le ciel immense n’ont attirés à eux, parce qu’ils n’étaient ni assez pesants pour tomber au fond, ni assez légers pour jaillir dans les hautes campagnes du monde. Cependant ils occupent le milieu, essences vives qui s’agitent, et forment des parties animées de la masse. (5, 479) Ainsi, chez les hommes, quelques membres demeurent immobiles, tandis que les autres se meuvent.

Ces matières une fois dégagées, la partie du sol où s’étend aujourd’hui la plage azurée du vaste océan s’affaissa tout à coup, et creusa les gouffres de l’onde salée. De jour en jour, plus les bouillonnements de l’air et les rayons du soleil, blessant