Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/138

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gnés contre la nue qui les emprisonne, ils éclatent en vastes murmures, et grondent comme des bêtes farouches dans leur cage : ils poussent à chaque bout de la nuée de longs frémissements ; (6, 200) ils vont tourbillonnant partout à la recherche d’une issue ; ils arrachent mille germes de feu du flanc des nuages, ils les amassent, ils roulent un torrent de flamme dans le creux de ces fournaises, et enfin, rompant la nue, ils s’échappent au sein d’une lumière resplendissante.

Une des causes qui attirent sur la terre l’éclat doré de ce feu vif et limpide, tient aux atomes brûlants dont les nuages contiennent nécessairement une foule ; car lorsqu’ils n’ont aucune humidité, ils étincellent presque toujours d’une couleur de flamme. Et il faut bien, en effet, que la lumière du soleil (6, 210) leur fournisse de quoi gagner cette rougeur et vomir le feu. Aussi, lorsque les impulsions du vent amassent, resserrent et pressent les nuages, elles en expriment ces germes qui débordent, et font éclater à nos yeux les couleurs de la flamme.

L’éclair brille encore, quand les nuages s’appauvrissent trop au sein des cieux. Car si, dans leur marche, le vent les ouvre, les dissout à coups légers, il entraîne forcément la chute des atomes qui engendrent l’éclair ; et l’éclair part, sans que de noires alarmes, ni le moindre retentissement, ni aucun tumulte, l’accompagnent.

Quant à l’essence qui est la base (6, 220) de la foudre, ses coups même, la trace de ses embrasements, la forte vapeur que ces marques exhalent, tout enfin la proclame ; car tout indique que c’est là du feu, et non pas du vent ou de l’eau.

D’ailleurs, elle va souvent allumer le toit des maisons, et sa flamme agile règne jusque dans nos demeures. Feu subtil entre tous les feux, la Nature lui a donné pour substance les plus fins atomes aux plus imperceptibles mouvements, afin que rien ne lui pût résister. Car la foudre puissante traverse les murs, comme le cri et la voix ; elle traverse le roc, elle traverse l’airain. (6, 230) Elle fond en un instant le cuivre et l’or. Elle force même le vin à se répandre sans que le vase se brise, parce que sa chaleur, introduite sans peine dans les pores, relâche le tissu et amaigrit les flancs du vase ; puis. elle se glisse jusque dans le vin, et en disperse les atomes par une dissolution rapide : ce que ne pourrait faire, dans l’espace d’un siècle, la vapeur du soleil, elle qui darde si bien ses traits étincelants. Tant la foudre a plus d’activité, plus d’énergie, et plus d’empire !

Mais qui engendre la foudre, et d’où est-elle née (6, 240) avec un tel emportement, que, d’un coup, elle puisse fendre les tours, abattre les maisons, arracher les poutres et les charpentes, ébranler et détruire les monuments des hommes, anéantir les hommes eux-mêmes, étendre çà et là des troupeaux entiers, et se livrer à mille violences de ce genre ? Je vais résoudre la question, et je cesse de t’arrêter aux prémisses.

Il faut croire que la foudre naît de ces masses de nuages si épaisses et si hautes, puisque jamais un ciel serein ou de minces nuées ne la vomissent. Ce fait incontestable, l’évidence même