Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/143

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ici-bas, elle vomit un horrible tourbillon, et se livre à l’orage. Mais elle est fort rare sur la terre, où les montagnes lui font nécessairement obstacle ; et le même phénomène éclate plus souvent (6, 450) au sein de la mer, qui ouvre à l’horizon une vaste et libre étendue.

Les nuages se forment, lorsque ces innombrables germes à surface rude qui voltigent dans les hauteurs du ciel s’amassent tout à coup, enlacés par de faibles nœuds, mais pourtant capables de maintenir leur assemblage. Ce premier tissu engendre de minces nuées, qui bientôt se prennent elles-mêmes, se lient et s’amoncellent, et en s’amoncelant s’accroissent, et bondissent aux vents, si bien que la tempête finit par y soulever sa rage.

(6, 459) Voici un autre fait encore. Plus la cime des montagnes est voisine du ciel, plus la fumée jaunâtre des nuages et leur épais brouillard couronnent fréquemment ces hauteurs. Sans doute. Car aussitôt que la substance des nues se forme, quoique trop déliée pour être visible, les vents la portent et la rassemblent au faîte des monts. Là enfin ces nues, réunies en masses plus abondantes, plus compactes, plus serrées, nous apparaissent, et semblent monter de ce faîte dans les airs. Que les hauteurs soient exposées aux vents, tout le déclare, les faits eux-mêmes, et ce que nous ressentons à gravir de hautes montagnes.

(6, 470) En outre, la Nature dérobe aussi à toute l’étendue des mers une foule d’atomes : les vêtements suspendus au bord du rivage le proclament, alors que l’humidité s’y attache. Tu vois donc que mille essences, capables d’accroître les nues, jaillissent aussi du bouillonnement des flots salés ; car, en ce point, tous les corps humides sont de la même famille.

De tous les fleuves encore, ainsi que de la terre, on voit s’élever un brouillard et une écume qu’ils exhalent, qu’ils poussent en l’air comme une haleine, qui enveloppent le ciel de leurs sombres voiles, et qui, (6, 480) insensiblement amoncelés, fournissent d’épais nuages. Car ils sont aussi pressés d’en haut par la vague étincelante de l’éther qui les foule en quelque sorte, et qui étale sous le riant azur le noir tissu des orages.

Il est possible même que des germes extérieurs viennent s’ajouter à l’assemblage de ce monde, pour y engendrer ces nues et ces tempêtes flottantes. Car je t’ai appris déjà, l’innombrable nombre des atomes, et l’infinie profondeur de la masse universelle, et le vol rapide des corps élémentaires, et leur promptitude habituelle à franchir d’incommensurables espaces. Est-il donc étrange que souvent (6, 490) la nuit et la tempête couvrent si vite de si grandes montagnes, et pendent à la fois sur la terre et l’onde, puisque de toutes parts tous les pores du ciel, et en quelque sorte toutes les veines du monde immense offrent aux éléments mille entrées et mille issues toujours ouvertes ?

Sache maintenant de quelle façon la pluie se ramasse dans les entrailles des nues, et lâche