Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/154

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et le métal. Dès qu’ils ont balayé cet espace, et qu’un grand vide se fait dans l’intervalle, aussitôt les éléments du fer y glissent, y tombent encore réunis ; de telle sorte que l’anneau même suit l’impulsion, et se précipite en masse. Car il n’y a point de corps que ses germes embarrassent davantage par un enchaînement plus étroit, plus solide, (6, 1010) que le fer robuste, essence glaciale qui excite le frisson. Il n’y a donc rien d’étrange à dire que cette foule de corps élémentaires ne peuvent se répandre du fer et gagner le vide, sans que l’anneau tout entier les suive. Il les suit, en effet, jusqu’à ce qu’il rencontre la pierre elle-même, et que d’invisibles nœuds l’y attachent. Ce phénomène s’accomplit en tous sens : à quelque endroit que se forme le vide, soit de côté, soit en haut, les atomes voisins se portent à l’instant vers l’espace libre. Songe que des chocs extérieurs les y poussent ; (6, 1020) car ils ne peuvent spontanément et à eux seuls monter dans les airs.

Il est un autre motif qui leur rend cet essor plus facile. Dès que l’appauvrissement de l’air placé en tête de l’anneau y débarrasse, y vide l’intervalle, il arrive soudain que l’air opposé chasse, en quelque sorte, et roule l’anneau par derrière. L’air, en effet, ne cesse de battre les corps qu’il environne. Mais alors s’il ébranle le fer, c’est qu’il a un point de l’étendue qui est vide, et qui ouvre ses flancs au métal. (6, 1029) Cet air dont je parle, fluide subtil qui coule par les mille pores du fer jusque dans ses moindres atomes, le meut et le précipite : comme le vent qui enfle la voile des navires, il aide et favorise l’élan d’un corps inerte.

Enfin, tous les êtres doivent avoir de l’air dans leur substance, puisque leur substance est poreuse, et que l’air les enveloppe, les baigne de toutes parts. Or, celui que les entrailles du fer recèlent, y flotte tourmenté d’une agitation perpétuelle ; et en s’agitant, il est incontestable qu’il frappe l’anneau, qu’il en soulève l’intérieur, et qu’enfin il se jette avec lui du côté où le fer s’emporte (6, 1040) déjà, et s’empare du vide ouvert à ses efforts.

Il arrive quelquefois aussi que la nature écarte le métal de cette pierre, et l’accoutume tantôt à la fuir, tantôt à la suivre.

J’ai vu même des anneaux de Samothrace reculer en bondissant, et des parcelles de fer tressaillir avec fureur dans un vase d’airain, sous lequel on avait mis une pierre magnétique : tant il semble que le fer brûle d’échapper à l’aimant, dès que l’airain s’interpose entre eux, et tant la discorde éclate aussitôt ! Voici pourquoi sans doute. La vapeur émanée de l’airain a pris les devants, et occupe toutes les ouvertures du fer ; (6, 1050) celle de l’aimant, qui vient ensuite, trouve les voies remplies, et ses canaux ordinaires lui manquent. Elle est donc réduite à heurter, abattre d’une vague orageuse l’impénétrable tissu : c’est ainsi qu’elle repousse et agite à travers l’airain un corps qui, sans l’airain, court d’habitude s’engloutir en elle.

Ne va point t’émerveiller, à ce propos, si l’ex-