Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/159

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due des campagnes dans la ville, et apportée par une foule de laboureurs (6, 1260) qui, aux premières atteintes du mal, y affluèrent de tous côtés. Les maisons, les places disparaissaient toutes sous leurs flots épais, et la mort y amoncela facilement les cadavres.

Un grand nombre tombaient de soif au milieu des rues, et leurs corps, roulant au pied des fontaines jaillissantes, y demeuraient étendus, et suffoqués par une onde trop douce à leur gorge avide. Dans tous les endroits publics, sur tous les chemins, on voyait aussi des corps à demi éteints, aux membres languissants, horribles de saleté, couverts de lambeaux, aux chairs gâtées et en ruines, aux os revêtus à peine d’une peau livide, (6, 1270) que les plaies hideuses des entrailles et la corruption avaient déjà presque engloutie !

Enfin la mort, amoncelant ces dépouilles inanimées jusque dans le sanctuaire des immortels, chargeait incessamment de cadavres tous les édifices sacrés, que les gardiens des temples remplissaient de leurs hôtes. Car alors la religion et les divinités saintes étaient peu considérées : la douleur du moment avait plus de force.

On ne conservait plus, dans la ville, ces solennelles habitudes dont la pieuse cité accompagna toujours les funérailles. Le peuple courait çà et là tout bouleversé ; et chacun, (6, 1280) livré à ses propres ressources, ensevelissait tristement son ami.

Un mal si imprévu, et la dure misère, leur inspiraient même bien des violences. Ils plaçaient à grands cris leurs parents sur des bûchers construits pour d’autres, ils y mettaient le feu ; et souvent ils engageaient des luttes sanglantes, plutôt que d’abandonner leurs cadavres.





SOMMAIRES

DU POËME DE LA NATURE DES CHOSES.


LIVRE I.


Lucrèce commence par invoquer Vénus, qui peuple la nature. — Il dédie ensuite son poëme à Memmius. — Il loue et défend Épicure. — Exposition du système. Axiome fondamental : Rien ne sort du néant, et rien n’y retourne. — Il existe des corps trop déliés pour être sensibles, mais que l’esprit conçoit. — Ces atomes forment, avec le vide, la base unique du monde. Toute chose étrangère à ces deux principes est une propriété ou un accident de l’un ou de l’autre. — Les atomes doivent être parfaitement solides, infiniment petits, indivisibles et éternels. — C’est à tort qu’Héraclite donne pour élément au monde le feu ; d’autres philosophes, l’air, la terre ou l’eau ; et Empédocle ces quatre substances. — Anaxagore ne réussit pas mieux avec son homœomérie. — Les atomes sont innombrables, le vide sans bornes, le Grand Tout infini : il est donc ridicule de croire que l’univers ait un centre, où tombent les corps pesants.





LIVRE II.


Après un brillant éloge de sa philosophie, Lucrèce revient aux atomes, et traite de leurs qualités. — 1o Le mouvement, attesté par la formation des êtres. — Les atomes, que la pesanteur entraîne dans le vide, tombent avec une rapidité incroyable ; mais, pour expliquer la naissance des corps et surtout des corps libres, il faut soumettre leur chute à une légère déviation qui amène des rencontres, des chocs, des alliances. — Railleries contre les ignorants qui évoquent une providence divine, comme si un mouvement éternel ne suffisait point à la nature. — 2o Forme des atomes. Tous ne sont pas construits de même, puisque les corps qui en proviennent affectent diversement nos organes. — Il y a des élé-