Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/204

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mène à la ville, d’où il rapporte une pierre à moudre ou de la poix résine !

La lune aussi t’indique, par son cours inégal, les jours propices à certains travaux. Redoute le cinquième : ce jour-là sont nés le pâle Orcus et les Euménides ; ce jour-là la Terre, dans un enfantement effroyable, créa les géants Cée, Japet, le cruel Typhée, (1, 280) tous ces frères qui conspirèrent le renversement des cieux. Trois fois ils s’efforcèrent de mettre l’Ossa sur le Pélion, et de rouler l’Olympe avec ses forêts sur l’Ossa ; trois fois, lançant sa foudre, Jupiter renversa ces montagnes vainement entassées.

Après le dixième jour de la lune, le septième est le plus heureux, soit pour planter la vigne, soit pour prendre et pour dompter les jeunes taureaux, soit pour commencer à ourdir la toile. Prends garde au neuvième ; il est funeste aux voleurs, mais favorable à l’esclave qui veut fuir.

Il est certains ouvrages qui s’accommodent mieux de la fraîcheur des nuits, ou de celle des matins, quand l’Aurore verse la rosée sur la terre. (1, 289) La nuit, tu couperas mieux tes chaumes ; la nuit, tes prés sont moins arides ; l’herbe est plus tendre, quand la nuit l’a mouillée.

Quelques-uns, dans les longues soirées d’hiver, veillent à la lueur de la lampe, et aiguisent en forme d’épis des torches nouvelles. Pendant ce temps-là, la mère de famille charme par ses chansons les heures trop lentes du travail, fait courir la navette légère entre les fils de la toile ; ou bien elle cuit dans l’airain les doux fruits de la vigne, dont elle ôte, avec une branche d’arbre, l’écume bouillonnante.

Attends le fort de la chaleur pour couper tes moissons dorées ; le blé, tout brûlant encore des feux du midi, se bat mieux dans l’aire. Sème ou laboure, tant que tu auras assez de la tunique d’été : voici l’hiver, qui engourdit les bras des laboureurs. (1, 300) C’est pendant les froids d’hiver qu’ils jouissent du fruit de leurs travaux, et qu’ils se convient les uns les autres à de gais repas. L’hiver les invite à la joie, l’hiver chasse les soucis de leurs cœurs. Ainsi, quand le navire chargé de ses richesses touche enfin au port, les matelots joyeux couronnent la poupe, en signe de triomphe.

L’hiver cependant te permet de ramasser les glands dans les bois, les graines du laurier, l’olive, et la baie sanglante du myrte : alors tu peux tendre des lacets aux grues, pousser le cerf dans tes filets, poursuivre le lièvre aux longues oreilles, et mettre à bas le daim avec la fronde vibrante des îles Baléares ; (1, 310) alors la neige est haute, et les fleuves charrient des glaçons.

Dirai-je les astres qui amènent les tempêtes de l’automne, quand les jours sont déjà plus courts, et que les chaleurs commencent à céder ? Laboureurs, soyez sur vos gardes. Dirai-je le printemps qui se précipite en eau quand déjà les épis hérissent la plaine, et que le grain se gonfle de lait dans son enveloppe verdoyante ? Souvent la troupe des moissonneurs envahissait les champs, et commençait à lier les gerbes avec la paille fragile, quand j’ai vu tous les vents des cieux se déchaîner, et se livrer de furieux combats. Ils balayaient partout les belles moissons déracinées, (1, 320) les enlevant dans les airs : j’ai vu la tempête emporter dans ses noirs tourbillons les chaumes dispersés et la paille voltigeante. Souvent aussi un