Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/28

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ne saurait expliquer comme se forme la dure substance des rocs et du fer, parce que la nature manquerait alors de base solide. Les éléments sont donc solides et simples ; et plus ils sont étroitement unis, plus les substances se montrent compactes et fortes.

Supposons même que le partage des corps soit illimité : encore faut-il que depuis une éternité (1, 580) les assemblages conservent encore des atomes qui ont échappé aux épreuves du péril. Or, puisque ces matières sont de nature fragile, il répugne qu’elles aient pu avoir une durée éternelle, éternellement tourmentée par des chocs innombrables.

Enfin, puisque la croissance des êtres a un terme, ainsi que leur existence ; puisque les lois de la nature fixent ce que tous peuvent ou ne peuvent pas ; puisque rien ne change, mais que tout demeure tellement uniforme (1, 590) que les oiseaux montrent invariablement sur leur plumage les mêmes taches qui distinguent leur espèce ; les corps doivent avoir pour base des substances inaltérables. Car si les éléments pouvaient être vaincus et altérés par une force quelconque, nous ne saurions plus ce qui peut ou ne peut pas naître, ni comment la puissance des corps a des limites infranchissables ; et les êtres ne pourraient reproduire tant de fois dans chaque race la nature, le genre de vie, les mouvements et les habitudes de leurs pères.

(1, 600) En outre, puisque la cime des atomes est un point de matière voilé aux sens, elle doit être dépourvue de parties et atteindre le terme de la petitesse. Jamais elle ne fut et jamais elle ne sera isolée, car elle ne forme que la première couche, que l’écorce d’un assemblage ; et mille parties de même nature s’amoncellent, s’amoncellent tour à tour, pour achever la masse de l’atome. Or, si elles sont incapables d’exister à part, il leur faut un enchaînement tel que rien ne puisse les arracher.

(1, 610) Les éléments sont donc simples et solides ; car ils ne se forment point par un assemblage de substances étrangères, mais ils consistent en atomes inséparables ; et forts de leur éternelle simplicité ; et la nature, se réservant les germes, ne souffre pas que ces atomes se détachent et dépérissent.

D’ailleurs, s’il n’y a aucun terme à la petitesse, les moindres corps se composeront de parties innombrables, puisque la moitié même de chaque moitié aura la sienne, et se partagera à l’infini. (1, 620) Quelle différence restera-t-il donc entre une masse énorme et un atome imperceptible ? Aucune ; car, quoique le monde soit immense, la plus petite chose contiendra autant de parties que le monde.