Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/499

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VALÉRIUS FLACCUS.
LES ARGONAUTIQUES.






LIVRE PREMIER.

(1, 1) Je chante ces mers sillonnées pour la première fois par les illustres fils des dieux, et le vaisseau fatidique qui, dirigeant sa course à travers les écueils mobiles, osa voguer à la recherche du Phase, en Scythie, et qui se reposa enfin dans l’Olympe étoilé.

Si le trépied de la prêtresse de Cumes, interprète de tes oracles, ô Phébus, a fait choix pour son séjour de ma chaste demeure ; si mon front est digne du laurier vert, inspire-moi. Et vous, qui êtes plus fameux pour avoir navigué sur cet Océan calédonien dont jadis les descendants d’Iule ont réveillé la colère, que si le premier vous eussiez franchi les mers, père vénéré, (1, 10) élevez-moi au-dessus du vulgaire, au-dessus de ce monde obscurci de vapeurs ; soyez propice au chantre des anciens héros et de leurs saints exploits. De vos fils, l’un redira, car il le peut, l’Idumée vaincue ; il redira son frère, noirci d’une noble poussière, et qui va semant la ruine et l’incendie dans les remparts de Solyme ; l’autre vous dressera des autels et élèvera des temples à votre famille, lorsqu’un jour, astre lumineux, vous resplendirez dans l’Olympe. Et alors, ni la petite Ourse, étoile des vaisseaux tyriens, ni la grande, chère aux pilotes grecs, ne guideront plus sûrement que vous le navigateur, vînt-il de la Grèce, (1, 20) de Sidon, ou des bords du Nil. Maintenant que votre sérénité accueille ce début, afin que nos chants remplissent toutes les cités du Latium !

Dès son enfance, Pélias régnait sur l’Hémonie : longue et pesante était pour ses peuples la terreur qu’il inspirait. Tous les fleuves qui se jettent dans la mer Ionienne étaient à lui ; pour lui la charrue déchirait les flancs de l’Othrys, de l’Hémus, et les vallons de l’Olympe. Mais son cœur était sans repos ; il craignait le fils de son frère et les menaces des dieux : car ce fils doit être la cause de sa perte ; les devins l’ont prédit, et les victimes confirment chaque jour leurs sinistres présages. Il s’inquiétait surtout de la haute (1, 30) renommée du prince, de cette jeune valeur importune à sa tyrannie. Pour prévenir le sort qu’il redoute, il cherche à se défaire du jeune fils d’Éson. Le choix seul du temps et des moyens le tient irrésolu. Plus de guerres nulle part ; dans les cités de la Grèce, plus de monstres : Hercule est couvert de la peau du lion néméen ; l’Arcadie est sauvée des fureurs de l’hydre ; les deux taureaux ont mordu la poussière. Mais le courroux des flots, les dangers d’une mer sans limites, voilà