Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/73

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au milieu du sang, avec le tronc et les membres ? Non ; il est dans une cage : il doit y vivre seul, et de son propre fond, et pour lui-même, quoique le sentiment inonde tout le corps. Aussi, je te le répète, ne crois pas que les âmes soient exemptes de naître, que la mort les affranchisse de ses lois ; ou bien, il est invraisemblable que ces étrangères, insinuées dans nos membres, y forment une liaison si étroite, si complète, si évidente. (3, 691) Car elles se lient tellement avec les entrailles, les veines, les nerfs, les os, que les dents elles-mêmes participent à la sensibilité : tu le vois dans leurs maladies, et quand elles tressaillent agacées par des eaux froides, ou quand elles broient avec le pain un caillou qui les blesse. Mêlées au tissu du corps, les âmes ne peuvent évidemment fuir tout entières, et se détacher sans blessures des os, des nerfs, des articulations.

Les crois-tu, par hasard, un fluide que nous versent les airs, et qui pénètre, qui inonde le corps ? (3, 700) Raison de plus pour que toutes se répandent avec lui et succombent. Tout fluide se dissout, et par conséquent il meurt. Les voilà donc disséminées par tous les pores ; et comme la nourriture s’épuise dans les articulations et les membres où elle circule, comme son essence fournit une matière nouvelle, de même les âmes, quoique tout entières quand elles envahissent le corps naissant, se brisent aussi quand elles coulent, quand mille canaux distribuent à la masse leurs particules, dont se forment ces âmes de seconde nature, nouvelles reines du corps, et filles (3, 710) des autres qui meurent éparpillées dans nos membres.

Ainsi, tu le vois, leur nature ne les dérobe ni au jour de la naissance, ni au jour de la mort.

En outre, laissent-elles, ou non, quelques germes dans le corps inanimé ? Si des restes y demeurent, elles ne peuvent se donner pour immortelles, quand elles sont appauvries et entamées dans leur fuite. Mais si elles emportent tout, échappées sans blessures, si un cadavre ne garde pas la moindre partie de leur être, pourquoi les entrailles qui se gâtent exhalent-elles des vers ? (3, 720) Pourquoi un essaim immense d’insectes, privés de sang et d’os, bouillonne-t-il dans les chairs gonflées [720] ?

Si tu admets que des âmes extérieures se glissent au sein de chaque vermisseau, et occupent chaque corps, sans réfléchir par quel hasard des milliers se rassemblent au lieu qui en a rejeté une seule, encore faut-il apparemment que tu examines, que tu débattes ce point : Les âmes vont-elles à la chasse des éléments du ver, pour se bâtir une demeure ; ou se logent-elles dans un corps tout fait ? (3, 730) Or, pourquoi ce travail, cette peine ? Leur motif ne me frappe pas : elles qui, voltigeant loin du corps, échappent aux angoisses du mal, du froid et de la faim ; car ces