Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/83

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et toute surface brillante nous offrent, étant semblables aux corps, doivent provenir de formes qui en émanent. (4, 100) Car pourquoi tombe-t-il des êtres mille débris échappés de leur matière sensible, plutôt que de fines émanations ? Je le répète, tu demeures bouche close. Il existe donc de subtiles images, ayant la forme plus que la nature des corps, invisibles quand elles sont éparses, mais qui, incessamment foulées par mille chocs, rejaillissent ensemble du miroir aux yeux. Vois-tu un autre moyen qui leur permette de subsister, et de reproduire tous les êtres ?

Apprends ici de quelle fine matière se composent les images : (4, 110) surtout puisque leurs germes sont mille fois plus écartés de nos sens, plus imperceptibles que les êtres qui commencent à franchir les bornes de la vue. Mais d’abord examine, sous une forme palpable, la délicatesse des éléments de toutes choses : quelques mots y suffisent.

Déjà, parmi les êtres, il y en a de si menus que le tiers de leur corps ne se verrait pas. Que penses-tu donc que soit un intestin, le globe de l’œil ou du cœur, les membres, les articulations ? Quelle petitesse ! Songe maintenant aux atomes (4, 120) qui doivent être la base de leur esprit et de leur âme : vois-tu comme tous sont fins et grêles ?

Les corps qui exhalent de piquantes odeurs, l’absinthe au goût affreux, le panace, la rude aurone et la triste centaurée, à la moindre secousse que tu leur imprimes, éveillent une idée encore vive de ces apparences qui errent à milliers de mille façons, dépourvues d’énergie, d’action sensible, et dont la petitesse, relativement aux corps, est inexprimable : aucune langue ne peut en rendre compte.

(4, 130) Mais ne va pas croire que ces images vagabondes soient toujours la dépouille des êtres. Non ; il en existe qui, spontanément écloses, s’établissent elles-mêmes dans la région céleste nommée les airs. Revêtues de mille formes, elles nagent à la cime des nues, essences fluides qui changent incessamment d’aspect, et dont les contours se plient à mille ressemblances. Les exemples sont faciles. Vois grossir un amas de nuages qui troublent la face riante du monde, caressant les airs de leur molle agitation. Tantôt il semble que des fantômes de géants (4, 140) traversent le ciel, et prolongent au loin leur ombre ; tantôt de vastes montagnes, et des rochers qui tombent de leurs flancs, précèdent le soleil ou flottent derrière : puis vient un monstre qui traîne, qui amasse de nouveaux orages.

Disons maintenant avec quelle facilité, quelle vitesse les images se forment, et leur écoulement, leur chute, leur fuite perpétuelle des êtres. Il monte toujours, à fleur de corps, une substance que dardent les assemblages, et qui, arrivant aux choses extérieures, traverse les unes, surtout le vêtement ; mais que les aspérités du roc ou la dure essence du bois, quand elle les heurte, (4, 150) déchirent et empêchent de renvoyer au-