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DE LA NATURE DES CHOSES

L’odorat et le goût. Telles sont ces victimes
Que l’épouvante aux dieux offre en retour des crimes.
Comme d’effets divers divers sont les auteurs,
Que la saveur s’arrête où passent les senteurs,
Qu’aux sucs ne convient pas la marche des arômes,
Reconnaissons en eux plusieurs genres d’atomes.
Divers types formels combinent leurs rapports,
700Et c’est de leur concert que résultent les corps :
Considère un moment ces vers ; chacun renferme
Maint élément vocal commun à plus d’un terme.
Conclus-en que les mots aussi bien que les vers
Ne sont constitués que d’éléments divers ;
Non qu’on remarque tant de sons élémentaires,
Ou qu’on ne puisse, avec les mêmes caractères,
Former deux mots, deux vers, peu semblables pourtant ;
Le trait qui les sépare en est-il moins constant ?
Ainsi l’on peut compter, chez un grand nombre d’êtres,
Maint élément commun à tous, comme les lettres ;
Ce qui diffère en eux, c’est le groupe total,
La somme : d’où j’induis que l’homme, l’animal
Et la plante sont nés de différents principes.
Il s’en faut que tout corps puisse unir tous les types.
Quels monstres imprévus naîtraient de ces hymens !
Hommes presque animaux, animaux presque humains,
Rameaux puissants jaillis de vivantes poitrines,
Corps terrestres greffés sur des formes marines.
Les Chimères, paissant les générations,
720Sur un sol sans mesure en ses créations
Exhaleraient le feu de leurs gueules voraces.
Et c’est ce qui n’est pas. Les êtres ont leurs races ;