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LIVRE DEUXIÈME

L’éclatante blancheur de ses flots écumants.
780Tu peux dire, il est vrai, que certains changements,
Des mélanges nouveaux, un ordre qui diffère,
Certains germes acquis ou perdus, ont pu faire
D’une teinte assombrie une blancheur de lait.
En effet, si la mer immense ne roulait
Que des atomes bleus, comment blanchirait-elle ?
Quel choc altérerait leur couleur naturelle ?
Tu pourrais les troubler de fond en comble, mais
Les teindre en argent pur, mais les blanchir, jamais.
Or, si l’aspect des mers, en son unité sombre,
Admet des éléments teints de couleurs sans nombre,
Comme un cercle, un carré, parfait en soi, comprend
Maint fragment étranger, maint type différent ;
Il faudra que, du moins, les teintes partielles
Apparaissent aux yeux, distinctes et réelles,
Dans toute couleur franche et dans le bleu des mers,
Comme font d’un carré les composants divers.

Encor peut-on grouper vingt figures en une
Sans changer le contour de la forme commune ;
Mais vingt tons détruiraient l’unité de couleur.
800La raison dont parfois l’apparente valeur
Nous porte à colorer les principes des choses
Tombe, et n’en disparaît que mieux, si tu supposes
Que les corps blancs ou noirs ne sont pas nets et purs,
Faits chacun d’éléments tous blancs ou tous obscurs,
Si tu ne vois en eux qu’un concours de nuances.
Rebelle à ces viols, à ces mésalliances