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PRÉFACE

tion de Catilina, et plus tard, en voyant la République livrée à Clodius pour préparer la dictature de César, qui passera bientôt le Rubicon. Et ce qu’il voyait n’était guère plus désolant que ce qu’on pouvait prévoir. Dans aucun temps, pareil spectacle ne s’est offert aux méditations d’un sage. Combien la doctrine d’Épicure devait paraître belle et salutaire en enseignant que l’ambition et la cupidité sont la cause de tous les malheurs ; combien vraie, en proclamant que les dieux ne s’occupent pas du monde ! »

Et nulle autre en effet ne pouvait mieux convenir à un esprit altéré de certitude et de paix. Des rêveries de Platon, la nouvelle Académie n’avait su extraire qu’un probabilisme énervant. Le système mixte d’Aristote n’avait abouti qu’au scepticisme paradoxal de Pyrrhon. Sans doute le Stoïcisme, au milieu d’exagérations qui prêtaient au ridicule, avait découvert et formulé le véritable caractère, le but de la vie : l’action indomptable. Mais seul, l’Épicurisme présentait un ensemble complet, une conception générale du monde et de l’humanité. Seul, il fondait la certitude sur l’expérience. Il est vrai qu’absorbé dans la contemplation de la vérité, il prêchait le dédain des choses périssables, le détachement, l’abstention, funestes principes que le christianisme devait pousser à leurs plus déplorables conséquences, au profit des tyrannies temporelles et spirituelles. Mais quoi ! sa morale, d’ailleurs austère et pure, car elle plaçait le souverain bien, la volupté, dans la pratique de la vertu, répondait précisément par ses mauvais côtés aux besoins