Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Emportant avec lui les douleurs et les fièvres.
Le mensonge sauveur n’a trompé que les lèvres.
Ainsi je fais passer l’austère vérité,
20Baume suspect à ceux qui ne l’ont pas goûté.
La foule, enfant qu’apaise une innocente ruse,
Cédant sans défiance au charme de la muse,
Sous le couvert du miel boira les sucs amers.
Ainsi puissé-je, ami, grâce à l’attrait des vers,
En toi de la Nature infuser la science
Et t’en faire sentir la salubre influence !

Je t’ai dit ce que sont les germes créateurs,
Leurs types variés, et comment, sans moteurs,
Ils volent à jamais par leur propre puissance ;
Comment de leur concours tout être a pris naissance ;
Ce qu’est l’âme, et comment elle vit dans le corps,
Jusqu’à l’heure où, brisant leurs intimes rapports,
En ses germes premiers la mort la décompose.
Ces faits tiennent de près à ceux qu’ici j’expose.
Je vais t’entretenir d’êtres subtils, formés
Sur l’extrême contour des choses, et nommés
Simulacres. Partout ces légères parcelles
Dans l’air, de çà, de là, voltigent ; ce sont elles
Qui, la nuit, le jour même, épouvantant les cœurs,
40À l’entour des humains évoquent ces terreurs
Et ces spectres des morts dont l’étrange visite
Dans la paix du sommeil en sursaut nous agite.
Crois-tu que des esprits s’échappent des enfers
Et parmi les vivants circulent dans les airs ?
Rien ne reste de nous après la mort ; la trame