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LIVRE QUATRIÈME

Le reflet suit nos pas et nos gestes ; il semble
Que nos pieds et les siens se déplacent ensemble ;
C’est qu’il passe avec nous dans le champ du miroir :
Le point que nous quittons ne peut le recevoir.
Il faut qu’avec l’objet l’image coïncide ;
Un angle invariable à leurs rapports préside.

Notre œil redoute et fuit un éclat trop ardent.
Le soleil que l’on fixe aveugle l’imprudent ;
Si puissant est le jet radieux des images
Qui s’abattent de haut dans un air sans nuages !
Leur choc, frappant la vue, en trouble l’appareil ;
Puis, ces germes ignés que darde le soleil
N’entrent point sans douleur dans l’orbite oculaire :
Leur cuisante splendeur brûle autant qu’elle éclaire.
La jaunisse voit jaune ; elle tire du corps
340Un afflux bilieux qui s’écoule au dehors,
Entre le simulacre et les yeux s’interpose
Et, baignant le regard, étend sur toute chose,
Pâle contagion, ses flots décolorés.

Des ténèbres, on voit les objets éclairés.
Plus voisine d’abord, la colonne d’air sombre,
Maîtresse du regard, y fait couler son ombre ;
Puis le jour lui succède, et son cours transparent
Des yeux purifiés chasse le noir courant ;
Sitôt que le rayon, qui trouve en sa substance,
Plus fine et plus mobile, un ressort plus intense,
A rempli les canaux de son fluide pur
Et rouvert les accès qu’obstruait l’air obscur,