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XVII
PRÉFACE

cette loi générale induite des phénomènes connus, à savoir : tous les phénomènes sont naturels ; ils procèdent de causes connues ou qui peuvent l’être, mais dont aucune n’impliquera jamais l’intervention d’une volonté rectrice.

Nous savons aujourd’hui, par exemple, que la terre tourne autour du soleil et sur elle-même, que la masse de toutes les planètes ensemble est fort inférieure à celle de l’astre central. Mais le contraire n’infirmerait aucunement la loi philosophique. C’est l’astronomie qui changerait sa loi. Le fait ne cesserait pas d’être naturel et enchaîné à d’autres faits également naturels.

Épicure et Lucrèce, qui ignoraient absolument l’astronomie, la chimie, l’anatomie et la physiologie scientifiques, peuvent donc et doivent même admettre à la fois les solutions les plus contraires de certains problèmes, non point « pourvu qu’elles se concilient avec leur morale » (qui, en effet, les intéresse particulièrement), mais parce que les unes et les autres ne peuvent que se ranger sous la loi générale légitimement induite de faits suffisamment connus. En reconnaissant son ignorance partielle, Lucrèce accepte d’avance toutes les informations de l’expérience scientifique. Il accueille des hypothèses et n’en préfère aucune ; mais il sait et il dit qu’aucune de ces causes, réelles ou supposées, ne démentira l’enchaînement naturel et fatal des choses. Quoi de plus franc et de plus sage ?

Nous avons noté succinctement les circonstances,