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DE LA NATURE DES CHOSES

Que sa nature opaque aux yeux humains dérobe.
Ne peut-on pas aussi voir dans la lune un globe
Qui, mi-parti d’argent, roulerait dans les airs,
Montrant tantôt sa face et tantôt son revers ?
L’hémisphère de feu, libre un moment de l’ombre,
Rentrerait par degrés sous l’autre moitié sombre ;
Et les phases naîtraient de la rotation.
Babylone soutient cette solution
Contre les Chaldéens et tous nos astronomes.
Comme si l’on pouvait, de l’endroit où nous sommes,
Se prononcer pour l’un des systèmes rivaux !
760Probables l’un et l’autre, ils ont des droits égaux.

Et pourquoi la matière, enfin, ne pourrait-elle
Créer pour la détruire une lune nouvelle
Qui de l’astre aboli reprendrait tous les jours
La place, la carrière et les constants retours ?
Est-il rien qui s’oppose à cette conjecture ?
Le même ordre souvent paraît dans la Nature.
C’est d’abord le printemps et Vénus, et Zéphyr
Qui vole sur leurs pas, messager du plaisir ;
Flore a semé pour eux, au seuil de leurs royaumes,
Ses plus riches couleurs et ses plus doux arômes.
Puis c’est, avec l’été, la poudreuse Cérès ;
Les vents étésiens embrasant les guérets ;
Puis le dieu des raisins, compagnon de l’automne,
Suivi des ouragans, du Vulturne qui tonne
Et des éclairs portés sur l’aile de l’Auster ;
Enfin le froid, la neige et la glace, et l’hiver
Engourdi, ce vieillard, dont les dents s’entre-choquent.