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DE LA NATURE DES CHOSES

Le plus simple bon sens en fait prompte justice.
Trois ans pour se former suffisent au poulain :
920Au même âge, l’enfant quitte à peine le sein
Et bien souvent la nuit le cherche encore en rêve ;
Quand le cheval est vieux, et, défaillant, soulève
À grand-peine le faix de son corps languissant,
C’est alors que la fleur de l’âge adolescent
Semble en duvet léger sur notre joue éclore :
Et l’homme et le cheval vivraient dans le centaure ?
Un contour unirait deux êtres si divers ?

Que dire des Scyllas dérobant sous les mers
Une meute de chiens liée à leur ceinture ?
De ces combinaisons de corps faits pour s’exclure ?
Quand rien dans leurs destins ne suit le même cours,
Ni la fleur, ni l’été, ni l’hiver de leurs jours ;
Quand tout diffère en eux, les amours et l’allure
Et le goût qui préside au choix de leur pâture ?
Pour l’homme la ciguë est un poison fatal ;
Et la chèvre barbue y trouve son régal.

Le feu n’épargne point le poil du lion fauve :
Et, quand nulle toison de ses fureurs ne sauve
Ni le sang, ni la chair d’aucun être vivant,
940La Chimère aux trois corps, lionne par devant,
Chèvre par le milieu, couleuvre par derrière,
Eût vomi sans périr la flamme meurtrière ?

Non, non. La nouveauté de la terre et des cieux,
Mot qui sert de prétexte à cent contes oiseux,