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DE LA NATURE DES CHOSES

C’est un don de la foudre, universel foyer.
Ne vois-tu pas encor tout le ciel flamboyer
Quand des chocs inconnus allument les nuées ?
Et puis, dans les forêts par les vents remuées,
Les arbres corps à corps s’entrechoquent ; le bois
S’échauffe, les rameaux fument, et, par endroits,
Jailli du frottement, l’éclair du feu ruisselle.
Peut-être aussi doit-on la première étincelle
Au hasard spontané de ces brûlants conflits.

À la cuisson des mets par la flamme assouplis
Le soleil nous guida, lui qui mûrit la grappe
Et de ses traits vainqueurs amollit ce qu’il frappe.
Les plus puissants esprits, les plus adroites mains
Purent de jour en jour assurer aux humains,
Grâce au feu nourricier, des ressources nouvelles.

Les rois sur les cités dressant des citadelles,
Refuges et remparts, taillèrent à chacun
1160Sa part dans le troupeau, son lot du champ commun,
D’après l’aspect du corps, la force et le courage ;
Car la force était tout, et beaucoup le visage.
L’or vint ensuite, l’or, qui de leur primauté
Sans peine dépouilla la force et la beauté :
Car les beaux et les forts, entraînés dans le nombre,
Font cortège au plus riche et marchent dans son ombre.

Ah ! la pauvreté sage est le suprême bien.
Avoir besoin de peu, c’est ne manquer de rien.
Mais quel mortel jamais prit la raison pour guide ?