Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XXXV
PRÉFACE

Ce monde ainsi constitué par le simple jeu du mouvement atomique, Lucrèce le parcourt avec la témérité d’une ignorance presque totale, mais aussi avec la prudence de la sagesse qui attend tout de l’expérience.

Le soleil (V, 565) fait-il le tour du monde en passant sous la terre (V, 659), ou bien se reforme-t-il tous les jours à l’endroit où nous le voyons se lever (V, 702) ? Le poëte hésite. En cherchant comment un si petit corps peut éclairer et échauffer le monde, il devine presque la vibration du rayon à travers les couches atmosphériques (V, 592 ; II, 149). Il dit que la lune emprunte au moins une part de son éclat au soleil (V, 703) ; il accueille l’opinion qui fait de la lune une pelote (pila) lumineuse pour nous d’un seul côté (V, 711-720). Quant aux météores, ces grands faiseurs de dieux, s’il en explique imparfaitement la production, il sait du moins que ce sont des effets naturels de causes également naturelles. Il constate en vers magnifiques que le tonnerre tombe des nuées, lorsqu’elles courent en grand nombre et sont battues du vent (VI, 95-100) ; il sait aussi que l’éclair est la foudre même et qu’on le voit avant d’entendre le tonnerre, parce que la lumière voyage beaucoup plus vite que le son.


C’est des sombres amas de la nuée épaisse,
Non des flocons légers dans un ciel pur épars,
Que la foudre jaillit. Qui n’a de toutes parts
Vu les brumes presser leurs bataillons funèbres ?
Qui n’a cru bien souvent que toutes les ténèbres