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LIVRE PREMIER

Cette œuvre souffrirait de nos calamités.
Quel esprit serait calme en ces temps agités ?
Et Memmius, ce fils d’une race héroïque,
Manquerait-il sans honte à la chose publique ?

Or donc, cher Memmius, de tout soin étranger,
Si tu veux bien m’entendre, il te faut dégager,
Et d’une oreille libre accueillir la sagesse.
Ce trésor, dont mon zèle ordonna la richesse,
Pour une âme distraite aurait perdu son prix ;
Tu pourrais dédaigner faute d’avoir compris.
Car de l’ordre éternel j’exposerai les causes,
Et l’office des dieux et l’essence des choses,
Et comment la Nature accroît et nourrit tout,
D’où vient la vie, en quoi ce qui meurt se résout.
Tu devras retenir le sens de quelques termes,
La matière, les corps primordiaux, les germes,60
Que l’on nomme éléments premiers, parce qu’ils sont
De tous les autres corps le principe et le fond.

Quant aux dieux, hors du monde et des choses humaines,
La loi de leur nature isole leurs domaines
Dans la suprême paix de l’immortalité.
Tout péril est absent de leur félicité.
Satisfaits de leurs biens, ils n’en cherchent pas d’autres,
Et, libres de tous maux, ils ignorent les nôtres.
Ni vice, ni vertu, ni pitié, ni courroux
N’ont de prise sur eux ; ils sont trop loin de nous.

Longtemps dans la poussière, écrasée, asservie,