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On dirait qu’il y a dans ce conte un souvenir lointain de la fable de Thésée et du Minotaure de Crète.

Le même conte se trouve dans Straparole, nuit X, fable III, sous le titre suivant : « Césarin de Berni, accompagné d’un lyon, un ours et un loup, part au desceu de sa mère et de ses sœurs et s’en va ; et, arrivé en Sicile, trouve la fille du roi exposée pour estre dévorée d’un dragon, lequel, à l’ayde de ces trois animaux, il occit, délivrant la princesse, qu’il espousa. »


LE ROI QUI VOULAIT ÉPOUSER SA PROPRE FILLE.


Un roi d’Espagne perdit sa femme, et il jura qu’il ne se remarierait jamais, à moins qu’il ne trouvât une jeune fille à qui la robe de noces de la défunte reine siérait parfaitement. Sa fille, qui avait dix-huit ans, mit un jour, en jouant, la robe de sa mère, et elle lui allait à merveille, si bien que son père voulait l’épouser. Effrayée de ses instances, elle va consulter une sorcière qui lui dit de demander successivement au roi, pour gagner du temps, d’abord un habit couleur du ciel, puis un autre couleur de la lune, et enfin un troisième couleur du soleil. Son père vient à bout de lui procurer ces trois habits, l’un après l’autre, et avec beaucoup de peine. Alors elle quitte, de nuit, le palais, et, par le pouvoir de la sorcière, ses trois habits la suivent sous terre, dans une cassette. Elle devient gardeuse de dindons dans un château. Le fils du seigneur de ce château tombe amoureux d’elle. Afin de la connaître et de l’éprouver, il se rend dans une ferme attenante au château et s’entend avec le fermier et sa femme pour se faire passer pour une pauvre femme bien malade à qui ils ont donné l’hospitalité, par commisération. Il se fait mettre un lit dans un endroit obscur, sous prétexte qu’il ne peut souffrir la lumière.

Trois demoiselles nobles, qui désiraient toutes les trois l’épouser, le visitent là, successivement, sans le reconnaître, et lui font d’étranges aveux. La gardeuse de dindons vient aussi à son tour, et, trompée comme les autres et croyant parler à une pauvre femme, elle lui avoue qu’elle est fille du roi d’Espagne. Alors le jeune seigneur se fait reconnaître. Il épouse la prétendue gardeuse de dindons et le vieux roi, devenu plus sage, assiste aux noces de sa fille et cède sa couronne à son gendre.


On sait que Peau d’âne de Perrault est bâti sur les mêmes ressorts ; mais l’épisode de la ferme ne s’y trouve pas, ni non plus dans Straparole, qui a le même conte, à quelques différences près, nuit I, fable IV, sous le titre suivant : « Thibaud, prince de Salerne, veut espouser sa fille Doralice ; laquelle, estant sollicitée du