Page:Luzel - Contes bretons, Clairet, 1870.djvu/36

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lit, colla son oreille contre le plancher, et voici ce qu’il entendit :

— Je vous le dis, femme, je veux les manger, demain matin, à déjeuner.

— Attendez du moins quelques jours encore ; ils vous amuseront avec leur musique et leur danse. Et nos filles, ces pauvres enfants qui n’ont aucune distraction, vous avez vu comme elles étaient contentes et heureuses ; épargnez-les, pour elles.

— Il n’y a pas à dire, il faut que je les mange demain matin. Où est mon coutelas ?

Et un moment après on entendit les pas du géant sur les marches de l’escalier. Allanic courut alors à son lit, échangea son bonnet rouge contre le bonnet blanc de la jeune géante, qui dormait toujours, dit à Fistilou d’en faire autant, puis ils tournèrent leurs figures du côté du mur et feignirent de dormir profondément. Goulaffre entra aussitôt dans la chambre, tenant d’une main une lanterne, et de l’autre, un grand coutelas. Il s’approcha du premier lit, trancha d’un seul coup la tête qui portait le bonnet rouge, courut au second lit, et en fit autant, puis laissant les têtes rouler sur le plancher, il descendit, emportant les corps de ses deux filles sous son bras ; et il les jeta sur la table de la cuisine, sans les examiner.

Quand il revint dans sa chambre à coucher, il dit à sa femme :

— C’est fait ! quel excellent déjeuner demain matin.

— Pourvu que vous ne vous soyez pas trompé dans votre précipitation ! lui dit la géante.