Page:Luzel - Contes bretons, Clairet, 1870.djvu/38

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blocs de granit, isolés ou entassés les uns sur les autres. Parmi ces derniers, ils virent deux grandes bottes, puis, plus loin, au fond d’une grotte sombre, quelque chose de rouge et de brillant, et qui ressemblait à ces anciens carreaux de fenêtres qu’on nommait œils-de-bœuf. Ils s’approchèrent, sur la pointe des pieds, et ils reconnurent que c’était Goulaffre qui, fatigué de sa poursuite, (car les bottes à sept lieues fatiguent beaucoup), s’était arrêté là pour se reposer un peu. L’objet rouge et brillant qu’ils apercevaient au fond de la grotte, c’était son œil unique. Il dormait profondément. Ils restèrent quelques minutes à le considérer, puis Allanic dit :

— Si nous pouvions lui enlever ses bottes de sept lieues ! alors nous nous moquerions de lui.

— Oui, mais s’il se réveille ? répondit Fistilou.

— Il dort trop bien pour cela ; écoute, comme il ronfle ! essayons pour voir.

Ils lui enlevèrent une de ses bottes, sans qu’il bougeât ; mais comme ils tiraient de toutes leurs forces, sur la seconde, le géant fit un mouvement, et ils se crurent perdus. Heureusement qu’il ne se réveilla pas, et ils purent la lui enlever aussi, Allanic mit alors les deux bottes, et il se disposait à partir, quand l’autre lui dit :

— Et moi ! vas-tu me laisser ici, à présent ?

— Monte sur mon dos, vite !

Et les voilà partis, l’un portant l’autre.

Quand Goulaffre se réveilla et qu’il vit qu’il n’avait plus ses bottes, il poussa des hurlements à effrayer les animaux à trois lieues à la ronde. Il lui fallut s’en