Page:Luzel - Contes populaires, volume 2, 1887.djvu/431

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et vit arriver un Ogre, qui avait bien dix pieds de haut et cinq ou six en largeur. L’Ogre débrocha le bœuf, qui rôtissait devant le feu, et le posa sur la table. Puis, il alla à son cellier et en rapporta une barrique de vin, sous son bras. Il posa la barrique à terre, sur un bout, la défonça et commença alors à manger et à boire. Et il mangeait et buvait, il fallait voir comme ! Tout à coup, il lâcha une pétarade telle, qu’on aurait dit une demi-douzaine de coups de canon ! Bihanic en fut balayé par le vent, jusqu’au fond de la cuisine. Il se releva lestement, se présenta devant l’Ogre, son bonnet à la main, et lui dit d’un air dégagé :

— Bonjour, mon père !

— Comment, ton père, avorton ? répondit l’Ogre, surpris de le voir ; d’où viens-tu ?

— De votre ventre, mon père.

— Comment cela ?

— Oui vraiment, vous êtes bien mon père, et vous venez de me mettre au monde, dans la pétarade de tout à l’heure. N’avez-vous donc rien senti d’extraordinaire ?

— Il est vrai que je ne me souviens pas avoir jamais fait autant de bruit, et il devait y avoir quelque chose d’extraordinaire, là-dedans.

— C’était moi.

— Quoique tu sois bien petit, je suis bien aise de t’avoir pour me tenir société ; du moins je ne