Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 1, 1881.djvu/214

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la croix tomba sur Maudès, attentif aux péripéties de cette lutte du mauvais génie contre le bon génie, et dont le résultat, il le savait bien, devait décider du sort du crucifié. Il fut tué du coup.

Le lendemain, dans la visite qu’il fit à l’ermite, selon son habitude, son bon ange lui dit :

— Hier, il y avait grande fête, au paradis.

— Pourquoi donc ? demanda l’ermite.

— Vous vous souvenez du jeune homme qui était allé trouver votre frère l’ermite ?

— Oui. Eh bien ?...

— Eh bien ! hier, ils sont entrés ensemble au paradis.

Et là-dessus, l’ange s’éleva vers le ciel.

Quand il fut parti, l’ermite s’écria, outré de colère et de jalousie :

— Eh bien ! Dieu n’est pas juste, puisqu’il reçoit dans son paradis un méchant comme mon frère, un brigand chargé de crimes et d’iniquités de toute sorte, et m’oublie et semble me repousser, moi qui ai passé toute ma vie à le servir, à l’adorer et à faire dure pénitence !...

À peine eut-il prononcé ces paroles, qu’un grand coup de tonnerre se fit entendre, et il fut précipité au fond de l’enfer, sur le siège qui y était destiné à son frère le brigand.

(Conté par Vincent Coat, ouvrier à la manufacture des
tabacs de Morlaix, le 16 mai 1876.)