Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/110

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vous aussi, il m’a fallu voir pour croire. La jeunesse, voyez-vous, est présomptueuse, et ne croit pas facilement à ce qu’elle ne comprend pas ; et puis, l’amour-propre, la forfanterie s’en mêlent aussi, souvent. Un jeune homme croire aujourd’hui aux revenants ! — fi donc ! c’est bon pour les enfants et les femmes ; et encore !… Mais, l’âge vient, et avec l’âge, l’expérience, et l’expérience donne tous les jours de si terribles démentis à notre orgueil, à notre raison et à notre science, qu’il ne nous reste qu’à nous humilier devant celui qui fait lever le soleil, comme vous le disiez tout-à l’heure, et à dire, à chaque phénomène qui confond notre raison : Dieu est grand ! C’est le plus sage, je vous assure. Quiconque ne croit qu’à ce qu’il voit et comprend est un sot : mais, plus sot est encore celui qui croit indistinctement, aveuglément, à toutes les sottes histoires qu’il entend débiter à droite et à gauche.

— Je suis parfaitement de votre avis en ceci, M. le recteur, et il me tarde de connaître ce qui vous a converti sur ce chapitre.

— Volontiers, Pipi ; vous m’en avez donné l’exemple, et je parlerai avec autant de franchise que vous-même.

II

Quand j’étais recteur de Ploëzal, avant de venir à Plouaret, plus d’une fois déjà, des paysans, des hommes et des femmes, étaient venus me trouver, me priant de dire des messes pour le repos de l’âme de leur père, de