Page:Martha - Le Poème de Lucrèce.djvu/14

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sible à tout le monde et surtout à la jeunesse stu­dieuse les grands problèmes que souvent on se fait un devoir de lui dérober. On s’imagine volontiers en France qu’on supprime les questions en les esquivant, et qu’on détruit les dangers de la science en la laissant ignorer. On va même jusqu’à faire de l’incuriosité une vertu. Sordide et faux calcul qui ne laisse plus à la jeunesse que la ressource des curiosités frivoles. Il faut au contraire lui ouvrir toutes les plus hautes sources de la poésie, de la philosophie, de l’éloquence. Où trouvera-t-elle plus que chez Lucrèce l’enthousiasme moral, les vastes pensées qui agrandissent l’esprit, le goût du sublime qui fait à jamais mépriser les petitesses de l’art, enfin cette naturelle magnificence qui d’un seul vers remplit l’imagination et qu’on ne peut comparer qu’à celle d’Homère ou de Bossuet ?

Il ne s’agit pas de chercher dans le Poëme de la Nature une règle et une foi. Trop de personnes estiment qu’un livre n’est bon que s’il présente une doctrine toute faite qu’on peut revêtir comme un habit. On ne trouve pas chez Lucrèce la vérité, mais des vérités, avec beaucoup d’erreurs qu’il est utile de connaître et de démêler. Le grand profit d’une étude philosophique, c’est l’étude même. Si on ne rencontre pas le trésor espéré, on s’enrichit en le cherchant. C’est le cas de rappeler la leçon que le laboureur de La Fontaine donna à ses enfants.