Page:Martha - Le Poème de Lucrèce.djvu/19

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vous serez peut-être effrayé par les cris de sa rai- son rebelle encore dans sa docilité. Chercherez-vous un refuge auprès du tendre Fénelon? Mais il a été condamné. Il ne vous reste plus que l’infaillible Bossuet. Mais le gallican Bossuet lui-même com- mence à devenir suspect et à inquiéter des con- sciences. D’exclusion en exclusion, nous voilà réduits à ces livres qu’on entend quelquefois recommander, qui sont sans péril parce qu’ils sont sans pensée, et qui ne prouvent que trop leur innocence. S’il est juste, si c’est un devoir même pour cha- cun de maintenir la fermeté de ses principes en face des doctrines présentes qui les menacent, et de mettre, en quelque sorte, ses idées sur le pied de guerre pour la défense actuelle de ses convictions, il faut savoir aussi considérer tranquillement les anciennes doctrines qui sont loin de nous et ne sont un danger pour personne. A une certaine distance, l’histoire de la philosophie doit être pour nous un simple spectacle, une espèce de drame, dont les di- vers systèmes forment les actes, où l’esprit humain, comme le héros de la tragédie antique, est aux prises, non avec la fatalité, mais avec le problème de la destinée humaine, faisant effort pour percer les ténèbres qui l’enveloppent, essayant de se frayer un chemin vers la lumière, tour à tour invoquant une puissance suprême ou la reniant, tantôt éclatant en hymnes, tantôt en blasphèmes, offrant enfin au spectateur