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AUPRÈS D’UN MORT.





Il s’en allait mourant, comme meurent les poitrinaires. Je le voyais chaque jour s’asseoir, vers deux heures, sous les fenêtres de l’hôtel, en face de la mer tranquille, sur un banc de la promenade. Il restait quelque temps immobile dans la chaleur du soleil, contemplant d’un œil morne la Méditerranée. Parfois il jetait un regard sur la haute montagne aux sommets vaporeux, qui enferme Menton ; puis il croisait, d’un mouvement très lent, ses longues jambes, si maigres qu’elles semblaient deux os autour desquels flottait le drap du pantalon, et il ouvrait un livre, toujours le même.

Alors il ne remuait plus, il lisait, il lisait de l’œil et de la pensée ; tout son pauvre corps expirant semblait lire, toute son âme s’enfonçait, se perdait, disparaissait dans ce livre jusqu’à l’heure où l’air rafraîchi le faisait un peu tousser. Alors il se levait et rentrait.

C’était un grand Allemand à barbe blonde, qui déjeunait et dînait dans sa chambre, et ne parlait à personne.

Une vague curiosité m’attira vers lui. Je m’assis un jour à son côté, ayant pris aussi, pour me donner