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LA SERRE.

tu me sues dans le dos comme du lard fondu. Si tu crois que cela m’est agréable !

Elle le forçait à se relever sous le moindre prétexte, l’envoyant chercher en bas un journal qu’elle avait oublié, ou la bouteille d’eau de fleur d’oranger qu’il ne trouvait pas, car elle l’avait cachée. Et elle s’écriait d’un ton furieux et sarcastique :

— Tu devrais pourtant savoir où on trouve ça, grand nigaud !

Lorsqu’il avait erré pendant une heure dans la maison endormie et qu’il remontait les mains vides elle lui disait pour tout remerciement :

— Allons, recouche-toi, ça te fera maigrir de te promener un peu, tu deviens flasque comme une éponge.

Elle le réveillait à tout moment en affirmant qu’elle souffrait de crampes d’estomac et exigeait qu’il lui frictionnât le ventre avec de la flanelle imbibée d’eau de Cologne. Il s’efforçait de la guérir, désolé de la voir malade ; et il proposait d’aller réveiller Céleste, leur bonne. Alors elle se fâchait tout à fait, criant :

— Faut-il qu’il soit bête, ce dindon-là. Allons ! c’est fini, je n’ai plus de mal ! rendors-toi, grande chiffe.

Il demandait :

— C’est bien sûr que tu ne souffres plus ?

Elle lui jetait durement dans la figure :

— Oui, tais-toi, laisse-moi dormir. Ne m’embête pas davantage. Tu es incapable de rien faire, même de frictionner une femme.

Il se désespérait :

— Mais… ma chérie…

Elle s’exaspérait :

— Pas de mais… Assez, n’est-ce pas. Fiche-moi la paix, maintenant…

Et elle se tournait vers le mur.