Page:Maupassant - Le Rosier de Madame Husson.djvu/109

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Comme il faisait une nuit radieuse, nous voulûmes faire un tour au bord de la rivière. La lune versait dans l’eau frissonnante une pluie de lumière, émiettait ses reflets jaunes dans les remous, dans le courant, dans tout le large fleuve lent et fuyant.

Nous allions le long de la rive, un peu grisés par cette vague exaltation que jettent en nous ces soirs de rêve. Nous aurions voulu accomplir des choses surhumaines, aimer des êtres inconnus, délicieusement poétiques. Nous sentions frémir en nous des extases, des désirs, des aspirations étranges. Et nous nous taisions, pénétrés par la sereine et vivante fraîcheur de la nuit charmante, par cette fraîcheur de la lune qui semble traverser le corps, le pénétrer, baigner l’esprit, le parfumer et le tremper de bonheur.

Tout à coup Joséphine (elle s’appelle Joséphine) poussa un cri :

— Oh ! as-tu vu le gros poisson qui a sauté là-bas ?

Il répondit sans regarder, sans savoir :