Page:Maupassant - Le Rosier de Madame Husson.djvu/13

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certaines sauces me furent révélées, rien qu’en apercevant l’empâtement rouge de ses joues, la lourdeur de ses lèvres, l’éclat morne de ses yeux.

Je lui dis : « Tu ne me reconnais pas. Je suis Raoul Aubertin. »

Il ouvrit les bras et faillit m’étouffer, et sa première phrase fut celle-ci :

— Tu n’as pas déjeuné, au moins ?

— Non.

— Quelle chance ! je me mets à table et j’ai une excellente truite.

Cinq minutes plus tard je déjeunais en face de lui.

Je lui demandai :

— Tu es resté garçon ?

— Parbleu !

— Et tu t’amuses ici ?

— Je ne m’ennuie pas, je m’occupe. J’ai des malades, des amis. Je mange bien, je me porte bien, j’aime à rire et chasser. Ça va.

— La vie n’est pas trop monotone dans cette petite ville ?