Page:Maurice Joly - La Question brulante - H Dumineray editeur, 1861.djvu/11

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La guerre, dont l’Europe paraît menacée pour le printemps prochain, fait peser une telle anxiété sur les esprits, que les événements les plus énormes perdent dès le lendemain la plus grande partie de leur importance, et que l’attention publique passe continuellement à l’ordre du jour sur les questions les plus graves ; c’est ce qui vient d’arriver pour le décret du 24 novembre. Les yeux fixés avec inquiétude du côté des Alpes, c’est à peine encore si la France a pris le temps de se replier sur elle-même et de réfléchir sur ses propres destinées. Ne semblerait-il pas, à la voir s’enquérant chaque jour avidement de ce qui se passe dans les chancelleries, que les intérêts des autres peuples la préoccupent beaucoup plus que les siens ? Qu’elle songe un peu plus à elle-même cependant, le cas en vaut la peine, ou elle finira par justifier ce propos d’un journal anglais, qui la comparait dernièrement à une commère qui va causer sur le pas de sa porte avec sa voisine, pendant que son rôti brûle.

Un des faits les plus extraordinaires dont l’histoire fasse mention vient de s’accomplir sous nos yeux. Un souverain, affermi dans son pouvoir par l’éclat de sa politique et l’affaissement des partis, vient de déposer spontanément une portion de ce pouvoir entre les mains de la nation qui lui avait donné un vote de confiance absolue.

Quels ont été les motifs de cette solennelle décision, et jusqu’à quel point la nation est-elle préparée à recevoir l’investiture de la liberté ? C’est ce que je voudrais examiner ici. Je n’appartiens à aucun parti, et je suis un homme nouveau ; c’est chose assez