Page:Maurice Joly - La Question brulante - H Dumineray editeur, 1861.djvu/13

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tion du Corps législatif pour faire arriver aux oreilles du pays des voix plus indépendantes : si l’on demandait le licenciement du journalisme actuel pour faire arriver aussi l’arrière-garde des intelligences ? Le public doit être bien las de ceux qui le haranguent chaque matin : ne sait-il pas ce qu’ils ont dit, ce qu’ils diront, le gouvernement ne le sait-il pas lui-même ? Ils ne diront rien, parce qu’ils n’ont rien à dire. L’ironie était profonde, elle n’a pas été comprise peut-être ; on feignait de les croire dangereux !… On leur demandait de la réserve, ils en ont montré ; ils ont eu l’intelligence de comprendre que l’opinion tout entière se serait soulevée contre eux, s’il en avait été autrement. — Il faut le dire, parce que c’est vrai, le public a perdu toute confiance dans une presse qui s’est mise aux gages de l’industrie, qui blâme sans bonne foi, qui loue sans conviction, dont toutes les passions enfin se sont éteintes au sein de la spéculation.

Il ne faut pas s’étonner si ce noble pays est resté immobile pendant douze ans : Las de vicissitudes politiques, épuisé d’agitations, désabusé de ses erreurs, il n’a pas encore eu le temps de refaire sa pensée ; il se cherche et ne se trouve pas. Nourri dans le matérialisme des idées modernes, il a oublié momentanément qu’il avait une âme ; il lui suffisait de vivre sous un gouvernement habile à protéger ses intérêts.

Certes, si l’Empereur ne possède pas le cœur de la France, elle peut se flatter du moins de n’avoir jamais vécu sous une main plus ferme, sous une inspiration plus haute, sous un esprit plus profond, sous une pensée plus indépendante. Cependant ce prince, dont le libre arbitre est si puissant, a senti le besoin de faire appel à l’opinion publique, de départager les voix qui l’avaient élu comme pour en connaître la valeur et la force réelle, la force intelligente. D’où vient qu’il ne trouve rien autour de lui que des voix depuis longtemps asservies, et que lui-même, sans doute, il ne compte pas ? D’où vient que l’opinion ne se