Page:Maurice Joly - La Question brulante - H Dumineray editeur, 1861.djvu/20

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des biens, il croyait à l’impôt progressif, à l’impôt du capital, aux banques d’échange, à bien d’autres folies échappées des cerveaux creux et hallucinés de ces hommes, dont les idées font sur l’esprit l’impression du cauchemar.

Que croit le peuple aujourd’hui ? il le sait moins que jamais, peut-être ; et comment le saurait-il, où se serait faite son éducation ? Les journaux ne continuent-ils pas à pousser à la haine du prêtre, au mépris de la Religion ? Qu’a-t-il vu dans les feuilles publiques ? D’un côté, de plats louangeurs d’un gouvernement dont la véritable grandeur leur échappe peut-être, de l’autre, d’impuissants détracteurs dénigrant, de parti pris, des institutions qui ne sont pas les leurs ; il voit tous ces journaux se quereller chaque jour comme des ménagères, et substituer une polémique de boutique à une large discussion d’intérêts. Où sont donc les hommes de talent, de style, d’inspiration, dont les saines et fermes paroles pourraient retentir dans son cœur généreux ? Je ne les vois pas ; je vois des écrivains à tant la tâche, je ne vois pas de publicistes, ou j’en vois si peu, que l’on ne peut les regarder que comme de très-rares exceptions ; ce ne sont pas, d’ailleurs, ceux-là, il faut malheureusement le dire, qui agissent sur la fibre populaire, ce sont des écrivains sans talent et sans conviction, qui flattent les instincts mauvais qu’ils lui ont mis dans le cœur ; ce sont ceux qui ressassent les banalités irréligieuses, sardoniques, frivoles, dont nos oreilles sont accablées depuis vingt ans, et qui ne soulèvent ni réprobation ni dégoût au sein de ces masses pourtant si nobles, si désintéressées dans les luttes de la vie comme sur les champs de bataille.

Avais-je quelque raison de dire qu’il n’y a pas, ou, du moins, qu’il n’y a pas encore d’opinion publique en France ; le décret du 24 novembre n’en a pas déterminé la manifestation : il est resté une lettre morte.

Je ne sais si les journaux se réjouissent sérieusement du ré-