Page:Maurice Joly - La Question brulante - H Dumineray editeur, 1861.djvu/27

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s’occupaient que d’assurer l’heure présente, peu soucieux de laisser après eux des crises qui les emportaient le plus souvent eux-mêmes avant qu’ils ne fussent descendus au tombeau : c’est à la sueur de son front qu’il faut régner aujourd’hui ; il faut résoudre les problèmes que le mouvement des sociétés modernes a posés, sous peine de les voir se résoudre en dehors de l’action des gouvernements. Tel est sans doute l’esprit et la portée du décret du 24 décembre.

Chaque demi siècle porte avec lui sa somme d’intelligence, de force et de lumière. Il s’agissait de connaître les vœux de la France nouvelle ; un pouvoir basé sur le suffrage universel ne pouvait pas moins faire, car le suffrage universel a cela de précaire, qu’il semble ne lier que la génération des suffragants ; c’est là le péril, mais c’est là aussi le salut, c’est du moins la condition des gouvernements qui ne pourront se survivre désormais qu’en se rajeunissant à la source de leur pouvoir ; comment le peuple français pourrait-il rester étranger à la vie politique, puisque le plus souverain de tous les droits lui a été si solennellement reconnu ? Le seul moyen qu’avait le gouvernement de s’éclairer sur les vœux de la génération qui s’élève, c’était de l’admettre à les exprimer ; qu’elle les exprime donc par tous les moyens qui sont en son pouvoir : les peuples qui se détachent de leurs propres intérêts périssent, les gouvernements qui mènent les affaires sans le concours du pays succombent. Mais comment associer le pays au gouvernement de l’État, comment obtenir la véritable manifestation de la pensée publique ; c’est là que le problème commence, c’est là la plus terrible difficulté des gouvernements qui veulent marcher avec la raison publique en se séparant des passions et des aveuglements de la foule.

Quoi qu’il en soit, depuis le 24 novembre la France est entrée dans une phase nouvelle. Loin de reculer devant la liberté qu’on lui offre, elle doit se hâter de la saisir, ne fût-ce que pour se fami-