Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/45

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allé s’asseoir à une petite table séparée, destinée aux retardataires.

― Allons, à la table des pénitents ! Vite, cria le père Lamoureux en fouaillant de sa serviette un jeune garçon de table encore novice, et en le dirigeant du côté de Georges Raymond.

― Et moi, je dis que l’empire bat de l’aile, et que tout va se défoncer au premier jour, cria un nommé Coq, en reprenant la discussion au point où elle paraissait être restée à l’arrivée de Georges.

Coq était un ouvrier serrurier qui avait cessé de travailler de son état pour s’occuper de politique ; homme énergique et violent, il était le bras droit de Soulès, qui l’obligeait de sa bourse, l’avait placé dans son journal et l’invitait de temps en temps à dîner.

― Eh ! mais, dites donc, vous, là-bas, c’est de la politique à tout casser, dit Marius Simon de sa place. Si vous voulez que nous allions ce soir coucher à Mazas, allez donc arranger un peu les serrures.

On se mit à rire pendant que l’abbé Ecoiffier se levait pour fermer la porte de la salle no 1, où il pouvait y avoir quelque fâcheux.

― C’est possible que j’aie été serrurier, cria Coq encore plus fort, ça ne déshonore pas et ça vaut bien de la peinture, surtout quand elle n’est pas bonne.

― Touché ! Marius, xiss, xiss, xiss ! dit le marquis quelque peu lancé en levant sa fourchette en l’air.

― Messieurs, voulez-vous que je vous fasse l’apologue de l’ours mal léché et du chat-botté ? repartit Marius Simon avec son sang-froid ordinaire. Coq sera représenté à quatre pattes, pendant que le marquis essayera de le savonner avec du vinaigre de Bully et de la potasse, touchante image de la démocratie, re-