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Hector, le beau vicomte ne disait et ne faisait avec Georges que ce qu’il voulait. Il l’invitait de temps en temps à déjeuner, lui faisait quelques confidences, lui racontait ses amours ; mais il ne l’avait nullement introduit dans son monde, et cette relation, qui flattait la vanité de Georges, avait été jusqu’alors sans aucune utilité pour lui.

La position d’Hector, d’ailleurs, était telle qu’il ne pouvait songer à personne ; sans patrimoine, sans ressources régulières, criblé de dettes, il parvenait à faire croire qu’il avait de la fortune et ne devait qu’au jeu et à de chétives opérations de Bourse un train d’existence flottant entre le luxe et la misère.

Une seule chose le soutenait encore. Grâce à un esprit d’intrigue infatigable et à une souplesse rare, grâce aussi à d’anciennes relations de son père, il était parvenu à entrer comme secrétaire chez le comte de B***, membre influent du parti légitimiste, qui entretenait avec les princes une correspondance très surveillée par la police du gouvernement impérial.

Le comte de B***, qui ne connaissait point les détails de la vie intime de d’Havrecourt, ayant éprouvé sa dextérité, l’avait chargé de quelques missions particulières ; mais cette confiance n’était pas allée plus loin et Hector avait tout à faire encore pour mener à bien sa fortune, dont les fragiles commencements pouvaient à tout instant être détruits, si quelque scandale venait à éclater autour de son nom. Aussi le vicomte cherchait-il de tous côtés une affaire lucrative à entreprendre ou une femme riche à épouser. On va voir par sa conversation avec Georges où il en était.

― Pardon de t’avoir fait descendre, cher ami, dit-il à Raymond, et de ne pas être monté dans ton gargot.