Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/55

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Le marquis a voulu m’y mener une fois l’année dernière. Il y a là des gens à ne pas prendre avec des pincettes.

― Merci pour moi qui y vais, répondit Georges qui, depuis quelque temps, s’essayait à prendre le ton léger de son ami.

― Oh ! toi, c’est autre chose, tu n’y resteras pas longtemps, et je compte bien t’aider à en sortir.

― Tu sais que je n’avais pas beaucoup d’espérance avant la mort de mon père ; mais, depuis qu’il est mort, je n’en ai plus, dit Georges la voix altérée par le souvenir affreux qui le poursuivait toujours.

― Allons, pas de bêtises ! dit Hector en lui prenant le bras. Ton père est mort comme dans les drames du boulevard, c’est vrai ; mais enfin tu ne le connaissais pas, tu ne l’avais jamais vu, c’était un père transatlantique ; tu ne peux pas le pleurer toute ta vie ; il t’a laissé sans le sou, ce n’est pas gai non plus pour toi. Je ne veux pas que tu te laisses aller comme cela, entends-tu, camarade. J’ai ma voiture là, je t’emmène dîner, car tu n’as pas dîné, c’est évident, dans ce bouit-bouit ? J’ai à te parler de toi, de moi, de choses sérieuses ; j’ai à te consulter, peut-être.

Quelques-unes de ces paroles étaient bien légères, Georges le sentit ; mais il se laissa faire, dominé comme il l’était toujours par l’entrain du beau vicomte.

Un coupé fort bien attelé, avec lequel Georges se montrait de temps en temps au bois, les déposa en dix minutes devant la Maison-d’Or.