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lui disant : « Quel est donc ce jeune avocat ? » Il était près de quatre heures et le Palais commençait à devenir désert. Georges alla ôter sa robe, et les deux jeunes gens descendirent les marches du grand escalier comme deux écoliers en vacances.

Au moment où ils traversaient bras dessus bras dessous la rue des Saints-Pères, ils entendirent appeler derrière eux ; c’était Léon Gaupin qui accourait en brandissant un manuscrit, et ils s’étaient arrêtés pour l’attendre lorsque Georges quitta brusquement Elmerich dont Gaupin s’était emparé. Georges venait d’apercevoir à quelques pas devant lui, entrant chez un marchand de musique de la rue des Saints-Pères, deux femmes dont la vue lui causa la plus vive émotion.

Il avait cru reconnaître une démarche, des traits restés empreints dans son souvenir, et il alla plonger avidement ses regards à travers les vitrines du magasin où les deux dames venaient d’entrer. Son cœur battait fortement pendant qu’il cherchait à distinguer leur visage. Tout à coup la plus jeune se retourna.

C’était elle !

C’était la merveilleuse jeune fille qu’il avait vue huit jours auparavant à l’église Notre-Dame.

Elle était vêtue de noir comme le premier jour, et ses traits charmants, rendus plus suaves encore par des torsades de cheveux châtain-clair d’une nuance indéfinissable, brillaient de cette distinction exquise dont Georges avait été si frappé.

Elle était gantée de noir et sa petite main indiquait quelque chose au marchand, tandis que sa bouche, d’une grâce accomplie, laissait échapper des sourires éblouissants en prononçant des paroles que Georges Raymond n’entendait pas.