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XII

CAMBRINUS.


Qu’était devenu Karl Elmerich après la disparition de Georges Raymond ?

Au bout d’une demi-heure d’attente, il était retourné assez tristement à la pension avec Léon Gaupin, et il soupirait chemin faisant.

― Ton ami Raymond est un poseur, un lâcheur et…

― Léon ! dit Elmerich en l’arrêtant par un regard limpide qui désarmait la malveillance, ne me dis pas de mal de Georges. Je ne souffrirais pas qu’on en dît de toi. Ce qui m’attriste parfois dans nos conversations à la pension, c’est la manière dont nous parlons les uns des autres, et ces plaisanteries cruelles que vous faites. Si nous sommes des amis, des frères, si nous avons les mêmes croyances, les mêmes sympathies, si notre cause est celle de la justice, de la vérité, pourquoi ne sommes-nous pas plus indulgents ? Tu ne sais pas combien Georges est bon ; combien il est dévoué pour moi, et, peut-être, grâce à lui, notre position à tous changera-t-elle bientôt, car…

― Car ? fit Léon Gaupin, étonné de l’accent de ces paroles et du mystère qu’elles semblaient annoncer.

Mais Karl Elmerich garda le silence.