Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/89

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sur le ventre du père Lamoureux ; et, comment ça va ? mille guimbardes ! et Mme Lamoureux, et le petit galopin ? mille bombardes ! J’arrive de Bordeaux ; ça chauffera, là-bas, pour les élections.

Jean, avance à l’ordre, prends mon paletot, je te promets cent sous !

Me voilà, me voilà ! attendez donc, vous autres, qu’on fasse ses civilités à son gargotier d’enfer, à son petit père Lamoureux, au bienfaiteur de la jeunesse, humanitaire et souffrante, à l’amphitryon de cette table antique, dont je me flatte d’être le plus bel ornement.

Et tout en parlant, tout en gesticulant, tout en distribuant des poignées de main à foison, Cambrinus reparut au milieu de la salle soulevée pour lui faire ovation.

Louis Gaspard dit Cambrinus, le roi des chopes, à cause de son aptitude à les absorber, était un des habitués les plus célèbres de la pension du père Lamoureux. Il suffira de dire que Gaspard était Toulousain, né par conséquent sur les bords de la Garonne, qu’il était journaliste à Paris, quoique sans occupation présentement, qu’il s’occupait de politique par vocation, qu’il connaissait toutes les tables du quartier Latin, toutes les brasseries, tous les cafés-concerts, tous les caboulots, et en était également connu ; que, depuis trois ans qu’il était à Paris, il avait su se faire des admirateurs et des amis partout, dans les petits journaux, dans les petits théâtres, chez les petits marchands, parmi les ouvriers des faubourgs ; qu’il s’était glissé dans tous les cénacles républicains avec les vieux, avec les jeunes ; qu’il connaissait tous les hommes politiques, tous les députés, enfin que sa réputation, sa no-