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Ici se place la publication d’un ouvrage que quelques personnes m’ont reproché, mais que je revendique comme un de mes meilleurs titres au souvenir des gens de bien.

Il s’agit de l’ouvrage intitulé : Recherches sur l’Art de parvenir, par un contemporain, sans nom d’auteur, mais dont je réclame hautement la paternité, et cela au même titre que le Dialogue aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu.

Dans le Dialogue, j’ai peint la corruption d’État, la fourberie politique.

Dans l’Art de parvenir, je suis descendu dans les sphères sociales et j’ai montré que les mœurs privées étaient rongées du même mal que les mœurs politiques, et que la décomposition était là comme dans les régions du pouvoir.

M’étais-je trompé, hélas ! Les revers de nos armes, la chute de la France devant l’Allemagne, ont démontré aux patriotes les plus convaincus qu’un pays ne se refait pas en deux mois, quand il souffre de la gangrène morale depuis vingt ans.

L’Art de parvenir est une satyre sanglante des défauts de notre caractère national et des vices que nous avons contractés sous la monarchie. Rien de plus, rien de moins.

C’est donc par suite un ouvrage éminemment moral ; et s’il est froid, ironique, impassible d’un bout à l’autre ; s’il est strident comme le vent d’hiver et tranchant comme une lame d’épée, c’est que les conditions de l’art l’exigeaient. Si j’avais pleurniché au nom de la morale on m’aurait tourné le dos comme à un radoteur. Il fallait disséquer sans pitié, c’est ce que j’ai fait, et tant s’en faut que j’aie tout dit.




Au mois de mai 1867, je sortais de Sainte-Pélagie où j’ai en outre écrit trois autres ouvrages qui ne sont pas encore publiés le Nouvel Oberman, espèce d’autobiographie où l’histoire de mon être moral est écrite tout entière ; les Existences problématiques, comédie en cinq actes, qui se promène en ce moment dans différents théâtres de Paris, et les essais d’une sorte de dictionnaire politique intitulé : les Équivoques de la Langue politique, travail dans lequel je me suis appliqué à démontrer tout ce que la supercherie des mots a fait de mal à notre infortuné pays[1].

  1. J’avais commencé aussi un essai sur les révolutions de la France depuis le quatorzième siècle, ouvrage dans le genre de Burke, quoiqu’à un autre point de vue et sur le plan de Grandeur et décadence des Romains ; mais les rebuffades de la librairie, l’insuffisance d’appui dans la presse, les luttes, la lassitude m’ont fait perdre deux années que j’aurais employées plus utilement qu’à avocasser.