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Je rentrai au barreau sans clientèle, ferré à nouveau sur le droit, sur l’histoire, sur la politique. Belle avance ! Ma condamnation m’avait mis à l’index, et je ne pus pas faire accepter un seul ouvrage par les libraires de Paris, qui m’éconduisirent tous avec empressement[1].

Je songeai à fonder un journal de Droit. Le journalisme politique me semblant impossible sous l’empire, il m’avait paru opportun de transporter la polémique sur le terrain du Droit.

Tout le monde connaît les scandaleux arrêts rendus par la Cour de cassation en nature de colportage, de société secrète, de compte rendus, de matières politiques et d’économie sociale appliqués aux journaux sans cautionnement etc., etc.

Il s’agissait pour le Palais, c’est le nom du journal que je fondai, d’intervenir avec autorité et hardiesse dans toutes les questions de jurisprudence et de droit confinant à la politique ; et j’eus bientôt le concours de presque tout le barreau de Paris. Le Palais, dont je rédigeai seul les statuts, se fonda au capital de 100,000 francs, et j’eus l’honneur de compter parmi mes actionnaires les noms de Jules Favre, Desmaret, Leblond, Crémieux, Arago, Berryer et cent autres.

Au bout de cinq mois, le Palais comptait sept cents abonnés[2]. Toutes les chambres syndicales des avoués des tribunaux d’instance s’étaient abonnées. Les choses marchaient à merveille lorsqu’arriva mon duel avec Laferrière ; et il faut que je m’y arrête un instant, car cet incident est la clef de difficultés considérables qui se sont groupées tout à coup autour de moi, et ont arrêté ma marche, brusquement, à ce point que mes amis crurent un moment que Maurice Joly avait cessé de compter parmi les hommes du moment.




J’ai des ennemis nombreux et acharnés, je l’avoue tout de suite. À quoi cela tient-il ? À mon caractère d’abord, et ensuite aux circonstances particulières qui ont mis inopinément mon nom en évidence.




Mon caractère d’abord. Facile jusqu’à la bonhomie et confiant jusqu’à

  1. Sous le ministère Forcade, je ne trouvai pas d’imprimeur pour publier une brochure de circonstance : L’Acte additionnel du second Empire. Il fallut renoncer à la publication d’un travail terminé !…
  2. Dans cet intervalle je trouvai encore le temps de publier un opuscule : L’avoué et les plaideurs, et un travail important, dont il sera parlé plus bas, intitulé : Dialogue sur les Impôts.