Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/41

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avec un air d’attendrissement délicieux. Aux petites hirondelles qui volent, il faisait des signes de menace amicale et cueillait toujours en marchant des touffes d’herbe fleurie. Aucun bagage, d’ailleurs. Quoi de plus gênant qu’un bagage ! Une poche de sa redingote pourtant, celle sous laquelle le cœur bat, était renflée comme par un paquet. Il allait toujours, avec les allures rectangulaires du Matamore dessiné par Théophile Gautier.

Tout à coup, un employé de l’octroi lui demanda : « Qu’avez-vous à déclarer ? » Le voyageur lui répondit fièrement : « Rien ! »

Rien, en effet, voilà ce qu’avait Albert Glatigny.

D’où venait-il ? Son père, un honnête gendarme de qui, plus tard, il parlait des larmes plein les yeux, et la voix tremblante d’émotion, bien qu’il fît peu de vers sur les personnes de sa famille, son père un matin, ne l’avait pas vu s’asseoir à la table patriarcale. Que voulez-vous ? Une troupe de comédiens errants avait passé par la bourgade, — Bernay, en Normandie, — et Glatigny, qui avait quinze ans, s’était féru d’amour pour les cheveux roux de la soubrette. Son cœur d’enfant, comme une mouche, s’était