Page:Mercure de France, t. 77, n° 278, 16 janvier 1909.djvu/124

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philosophie et de l’art et s’attachent à signifier les vues les plus récentes de Tesprit humain dans ces divers domaines.

L’ouvrage de M. Bouty, la Vérité scientifique, sa poursuite, venant après les magistrales analyses de M. Poincaré, s’il reprend quelques-unes des questions soulevées par la Science et Chypothèse ou la Valeur de la Science, les traite toutefois d’un point de vue plus concret et qui en renouvelle entièrement l’intérêt. Il présente aussi un attrait d’un genre différent par le détail où il saisit les sciences particulières, les mathématiques, l ’astroDomie, la mécanique, l’optique, la chimie, la physique, la biologie, la médecine et jusqu’aux sciences morales. En de brefs chapitres, son exposition méthodique réussit à esquisser les grandes lignes des hypothèses qui ont été les moyens de construction de l’édifice scientifique, tel qu’on le voit actuellement distribué. C’est ainsi que la théorie des ondes nous montre le lien qui unit la mécanique à la physique et sert d’introduction aux théories les plus récentea sur l’éther, sur les fluides électriques, les électrons, la conservation et la dégradation de l ’énergie ; c’est ainsi que l’identification progressive de la physique et de la chimie se voit mise en lumière également en ces pages au cours desquelles l’auteur s ’est appliqué à montrer l’étroite solidarité qui existe entre toutes les branches du savoir.

À l’occasion des sciences morales, M. Bouty, comme certains savants qui mettent peut-être quelque coquetterie à ne pas invoquer, au-delà de leur besoin, la rigueur du déterminisme scientifique, M. Bouty fait place, dans le phénomène de l’existence, à la possibilité d’un développement aléatoire qu’il confond avec l’idée de la liberté humaine au sens où les moralistes prétendent en faire usage. C’est se ranger parmi les partisans de ce pragmatisme moral dont M. Abel Rey, dans son ouvrage sur la Philosophie moderne, dénonce avec raison et avec l’insistance nécessaire les tendances mystiques. M. Rey s’est appliqué en cette étude à préciser quels sont les points sur lesquels porte l’intérêt de la discussion philosophique contemporaine, et il a nettement distingué que cet intérêt va tout entier à déterminer quelle est la véritable portée de la science, quel est son degré d’objectivité. C ’est en somme la question soulevée par Kant et que Kant a contribué également à poser d’une façon catégorique, puis à obscurcir à souhait. Elle se débat actuellement entre les partisans du rationalisme scientifique et ceux du pragmatisme, les premiers défendant le plus souvent les intérêts de la pensée libre, de l’esprit de libre examen, les seconds ceux de la tradition religieuse et morale, de l’esprit d’autorité, ces deux partis instituant la lutte, selon la formule plus impartiale de M. Le Dantec, « entre l’habitude acquise et l’habitude qui se crée ». Peut-être y aurait-il à apporter quelques atténuations et quelques réserves à cette classification générale. Elle