Page:Mercure de France, t. 77, n° 278, 16 janvier 1909.djvu/144

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MERCVHK DE FRANCE—16-1 -190g affection sincère ou passionnée ; la seconde n’est touchée que par l’offrande de Tor. Ainsi au lieu d’être, comment dire? une sorte de réservoir de tendresse et de sentiment, elle n’est plus que l’alliée et l’instrument de la force financière toute brutale; elle est, avec le financier, et en vertu d’une puissance d’origine commune, la domi­ natrice et la dévoratrice universelle. Malgré le puéril de celte thèse, admettons-la. Je ne crois pas pourtant qu’elle se justifie en fait, ou du moins qu’elle soit d’une vérité absolue. La dame qui n’est plus aux caméliasa, de tout temps, existé et existe parallèlement à la dame qui est encore aux camélias. Tout au plus, selon les temps, l’une ou l ’autre est plus en évidence, voiià tout, et, suivant les différences du but qu’elle vise, l’une et l’autre est indispensable à l’évolution de la vie sociale ; à l’égal de toutes les femmes qui agissent instinctivement au gré des exigences de leur tempérament qu’elles croient une volonté, l ’une et l’autre est respectable et parfaitement belle. Que M. de Faramond la montre, entourée de ses belles amies, grandes et petites, préoccupée un instant d’une double rapture avec ses amants, le duc qui donne du relief et le financier qui donne de i’or, la présence d’un prince de famille royale et d’un banquier allemand sans trop tarder nous rassure. Ce n’est là que péripétie assez banale, dont l’auteur n’a su dégager l’importance nécessaire et significative. Le dialogue, pré­ cieusement et élégamment écrit, languit, hésite, dans la crainte de donner trop d’importance lyrique à un fait familier de la vie cou­ rante, et, à la fois, se dérobe à la trivialité, parfois imagée avec gé­ nie, du langage de la noce, haute ou basse. Je pense que M. de Fara­ mond a éprouvé lui-même la gêne que ressentie spectateur. Par là s’explique cette succession trépidante de tableaux ou de scènes, comme diraient les gram mairiens, inchoatioes, où rien n ’aboutit, où rien ne s’achève. Pour être bien certain de ne donner à ses personnages que des mobiles artificiels, M . de Faramond a pris tant de soin de ne les douer ni d’esprit, ni d’intelligence, ni de passion, qu’ils ne trouvent presque plus rien à se dire, et ce que qu’ils se disent nous demeure indifférent.La scène finale, menée avec verve par M. Lugné Poe, vivifie enfin, seule, ce spectacle, et nous garantit du moins que M. de Faramond, en se trompant comme seul un parfait artiste peut se tromper, c ’est-à -dire sans retenue et sans fausse honte, n ’a pas abdiqué tout entier le trésor de ses merveilleuses ressources, et que son talent, de vigueur, de volonté, indomptable se retrouvera. S’il est important et salutaire que, en contraste avec le préjugé des convenances sociales et de l’honneur familial, les imprescriptibles droits de l ’amour soient affirmés hautement et maintenus, ce n ’est