Page:Mercure de France, t. 77, n° 278, 16 janvier 1909.djvu/32

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MRRCVRE DK FRANCE— 16-1-1909 Je disais : Taisez-vous ! Je sais pareil aux dieux... — Et leplus cher de tous, celuipour qui mon cœur Est nu commeun miroir et n’a pas depudeur, Celui-là écoutait avec recueillement Tout ce quidansmon cœur chantait éperdument... VI Commej e suppliais, vous avez consenti A m’aimer. Tout d’abord>vous n’avez ressenti Qu’une compassion profonde, qu’un besoin Fort de vous dévouer, de m’entourer de soins. Mais parce que le cœur, mystérieusement, Attire quandilaime ainsi qu’un rude aimant, L’amour que propageait le mien a pénétré Le vôtre que l’amour avait déjà blessé... Et pareille à la rouille épousant le métal Aveuglément, poussée d’un sentimentfatal Avec lapassion d’unefemme qui aime, Vous naissiez à Vamour, vous viviez de moi-même, Vous oubliiez vos pleurs, vous ne voyiez que moi, Et vous étiez heureuse et vous riiez parfois... Mais nos deux cœurs liés impérissablement Préparaient l’un à Vautre un éternel tourment. Vous aimiez. Vous aviez découvert la tendresse. Vous donniez. Vous versiez à majeune allégresse Un vin chargé de miel, et ce qui vous comblait De bonheur, c’était le bonheur qui m’accablait... Leplaisir quej’avais vous charmait, et surtout Vouspréfériez en moi ce qui venait de vous. — Moi,j’étais jeuney ardent, libre, désordonné Dans la joie. Etj’avais un bonheur étonné, Et je ne songeais pas que l’amour a besoin D’un parallèle culte et d’un unique soin. Moij’étais l’ode — et vous n’étiez que Vélégie. Je n’avaispas encor vingtans. Pour moitla vie